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Recherche d'étoiles C-H et C-R dans l'ensemble de KDI

On a vu que la force du triplet de calcium est le premier critère qui permet de classifier en deux groupes les étoiles C. Par simple inspection visuelle, on identifie assez aisément les spectres dont le triplet de calcium est fort. Un des plus précieux résultats de la première section est que les étoiles C à fort triplet de calcium sont toutes de types C-H ou C-R. C'est une importante conclusion. Cela permet de retracer assez facilement plusieurs des étoiles de type C-H et C-R dans l'ensemble d'étoiles C magellaniques de KDI. Un triplet de calcium fort est bien visible même à faible rapport S/B.

Cette section présente le résultat de cette recherche. J'ai regardé la profondeur du triplet de calcium pour chacun des quelque 1597 spectres à faible S/B du projet KDI. Cela correspond à 859 étoiles. J'ai découvert que 69 étoiles étaient de type C-H ou C-R (ces candidats sont colligés dans le tableau gif). Mais l'ensemble de KDI rend difficile une étude approfondie parce que beaucoup de spectres sont trop mauvais pour permettre quelque classification que ce soit, ou parce que une majorité d'étoiles n'ont pas été observées dans les bandes JHK. J'ai donc choisi un sous ensemble de 417 spectres (254 étoiles) pour lesquelles nous disposions de photométrie JHK (Whitelock). Il s'y trouve 140 étoiles avec un faible triplet de calcium (étoiles C-N ou C-J) et 24 étoiles avec un fort triplet de calcium (étoiles C-H ou C-R). De plus, il y a 10 étoiles M naines, 11 étoiles M géantes et 69 étoiles dont les spectres ne permettent pas d'assigner de type spectral. Dans le tableau gif, présenté en appendice, sont tabulés le type spectral et la photométrie JHK pour les 254 étoiles.

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Table: Liste de 69 étoiles magellaniques candidates C-H ou C-R (Suite).
Table: Liste de 69 étoiles magellaniques candidates C-H ou C-R découvertes parmi les quelque 1597 spectres d'étoiles C des GNM et PNM de l'ensemble de KDI. On ne peut malheureusement pas dissocier les étoiles C-H des étoiles C-R dans le domaine spectral entre 7700 Å et 8700 Å . 

Avant de tirer des conclusions statistiques, il faut mentionner deux effets de sélection qui jouent un rôle dans la découverte des étoiles C-R et C-H. Premièrement, les étoiles choisies pour être observées spectroscopiquement par KDI étaient tirées d'une liste en fonction de leur couleur B-R. On choisissait d'abord les étoiles les plus rouges en terminant par les plus bleues. La complétude variait selon la densité d'étoiles dans le champ dont on tirait la liste. Évidemment, dans les champs moins denses, des étoiles plus bleutées ont été observées ce qui augmente les chances de découvrir des étoiles C-H ou C-R qui sont naturellement plus bleues que la moyenne des étoiles C.

En plus de l'effet de sélection sur la couleur, il y a l'effet de sélection sur la luminosité. On le sait, les spectres de KDI ont un piètre rapport S/B, c'est pourquoi plusieurs étaient tout simplement trop mauvais pour être classés selon mon critère de la force du triplet de calcium. Ainsi, dans le tableau gif, on retrouve surtout des étoiles dont le spectre était de bonne qualité, donc des étoiles plus brillantes (le temps de pose étant par ailleurs constant).

Il est d'abord intéressant de comparer la fraction d'étoiles C-H et C-R entre les NM et la Voie lactée. J'utilise le sous ensemble avec photométrie JHK. Il y en a 24 sur 164 étoiles C, soit 14.6%. Ce chiffre est une limite inférieure car plusieurs étoiles C-H et C-R restent indétectables (celles dont le triplet de calcium n'est pas différent de celui des étoiles C-N). Ces étoiles indétectées représentent cinq étoiles sur quinze dans la Voie lactée (voir figure gif). Donc, toute proportion gardée, une douzaine d'étoiles C-H et C-R magellaniques à faible triplet de calcium devraient s'ajouter à la liste. On aurait donc 22% de ces étoiles dans les NM. Si l'on compare au tableau gif, les étoiles C-H et C-R de la Galaxie comptent pour 23% des étoiles C, soit la même proportion. Les proportions sont les mêmes entre les deux NM: 7 C-H sur 49 C (brut: 14.3% brut, corrigé: 21.4%) dans le PNM, et 17 C-H sur 115 C (brut: 14.8%, corrigé: 22.2%) dans le GNM.

Les proportions entre type C-R et type C-H sont impossibles à déterminer puisque, je le rappelle, leurs spectres sont inséparables d'un groupe à l'autre. C'est pourquoi je parle des types C-H et C-R comme d'un seul groupe.

L'égalité des proportions entre galaxies est troublante. En effet, on a vu que les milieux à faible métallicité produisent davantage d'étoiles C de la BAG (des étoiles C-N et C-J). Toutefois, la production d'étoiles C-H et C-R ne devrait pas augmenter dans ces milieux puisque leur nature est différente (il s'agit de géantes accrétant (ou ayant accrété) de la matière riche en carbone d'un compagnon proche). En conséquence, il devrait exister en moyenne une plus petite proportion d'étoiles C-H, C-R dans les NM que dans la Voie lactée.

Sur la figure gif, les étoiles avec JHK sont reportées sur un diagramme H-R. Les étoiles avec un fort triplet de calcium (C-H ou C-R) se répartissent préférentiellement du côté chaud du diagramme (médiane[]=3222 K, 1 quart.=138 K) alors que les étoiles avec un faible triplet de calcium se retrouvent à de plus basses températures (médiane[]=2786 K, 1 quart.=191 K). Ce n'est pas en soi un résultat surprenant puisque la force du triplet de calcium est proportionnelle à la température. On remarque également que les étoiles C-H, C-R se distribuent plus uniformément en luminosité qu'en température. La luminosité médiane est de -4.5 (1 quart.=0.3) pour les étoiles C-H, C-R et de -4.6 (1 quart.=0.3) pour les étoiles C-N, en accord avec les résultats de Costa et al. (1996).

 

Les étoiles C-H du GNM ont fait l'objet d'un seul autre sondage, par Hartwick & Cowley (1985, 1988) qui en ont découvert 39. La principale conclusion de ces auteurs, se basant sur la cinématique, est que leur ensemble est bien plus jeune (10 à 10 ans) que la moyenne des étoiles C magellaniques. En effet, la dispersion des vitesses de leurs étoiles C-H est seulement de 10 km s à R 5 du centre du GNM. C'est une valeur proche de la dispersion du gaz HI ( 10 km s) et plus petite que celle des amas globulaires d'âge intermédiaire (=17 km s). Suntzeff et al. (1993) ont fait une étude photométrique de cet ensemble pour découvrir que les étoiles C-H sont en moyenne plus bleutées et plus lumineuses (=-5.3) que les étoiles C magellaniques sur la BAG. C'est le contraire dans notre Voie lactée où Dominy et al. (1986) associent la luminosité des étoiles C-H à celle d'étoiles G-K-M sur la BGR, soit une à deux magnitudes plus faible que les étoiles C sur la BAG. La question est, est-ce que mes étoiles C-H, C-R sont de même nature que les étoiles C-H de Hartwick & Cowley?

À première vue, il existe une similitude. Mon ensemble est tout aussi bleu que l'ensemble de Hartwick & Cowley. Ils occupent l'extrémité bleue du diagramme couleur-couleur. Cela suggère que toutes les étoiles C-H partagent la même température. Toutefois, d'autres types d'étoiles (K et M géantes) se placent aussi au même endroit sur le diagramme. On ne peut donc pas associer les deux ensembles d'étoiles C-H sur cette seule base. De plus, la comparaison achoppe sur deux points. D'abord, mes étoiles C-H () ne sont pas aussi brillantes que celles de Hartwick & Cowley (, plus brillant que la plus lumineuse de mes candidates), voir figure gif. Ensuite, la dispersion des vitesses de mon ensemble s'accorde avec celle de 14 à 16 km s des 759 étoiles d'âge intermédiaire de l'ensemble de KDI (voir figure gif), pas à la leur de 10 km s.

 

 

J'en conclue que la nature de mon échantillon d'étoiles C-H, C-R n'est pas la même que celle de l'échantillon de Hartwick & Cowley. La différence entre les fonctions de luminosité est simplement trop importante. La dispersion des vitesses de rotation indique que mes étoiles C-H, C-R sont du même âge que le reste des étoiles carbonées, c'est-à-dire d'âge intermédiaire.

Il demeure que ces nouvelles étoiles se démarquent quand même des étoiles C-H et C-R de la Voie lactée; elles sont définitivement plus lumineuses (en supposant fiable l'estimation des luminosités bolométriques des étoiles C galactiques). En somme, nous avons à faire à des étoiles C-H dont la luminosité est à mi-chemin entre celles de Hartwick & Cowley et celles de la Voie lactée. Il faudrait obtenir des mesures photométriques JHK pour le reste des candidats présentés dans le tableau gif.


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Loic Albert
Wed May 12 16:45:53 EDT 1999