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Étude et critique de la classification de Richer

La classification de Richer (1971), on le rappelle, est l'unique article classifiant les étoiles carbonées dans le domaine de longueurs d'ondes qui m'intéresse. La discussion traitera d'abord du lien qui existe entre le rapport CaII/CN et la classification de Richer, et débordera ensuite sur une critique plus exhaustive de l'ensemble de cette classification.

On s'attendait à ce que les mesures de CaII/CN effectuées au cours de ce projet aient une correspondance assez serrée avec la classification de Richer (1971) puisque c'est un des critères utilisés dans sa classification. En effet, la figure gif illustre ce lien pour 32 étoiles possédant à la fois des mesures de rapport CaII/CN et une classification de Richer.

 

D'abord, l'évidence: le rapport CaII/CN est inversement proportionnel aux classes de Richer. Autrement dit, puisque le rapport CaII/CN est proportionnel à la température, l'objectif de Richer est réalisé, c'est-à-dire que sa classification suit véritablement la température (contrairement à la classification MK révisée).

La droite (méthode des moindres carrés) lie rapport CaII/CN et indice de température de Richer tel que:

 

Que dit de plus ce graphique? En premier lieu, on s'aperçoit que les classes C4, C5 et C6 sont les plus fréquentes. Ce n'est pas un effet de sélection de ma part, Richer a vraiment un tel échantillon. Et on constate que la dispersion est tout de même assez grande autour des valeurs moyennes. Par exemple, il y a un écart d'un facteur deux entre les plus petites et les plus grandes valeurs. C'est une dispersion réelle puisque elle est bien plus grande que les incertitudes ( 0.1) sur les mesures de rapport CaII/CN. À cela, il peut donc y avoir deux explications: Richer a mal classé ces spectres, ou les spectres ont varié entre les époques d'observation.

Ensuite, on remarque la ségrégation des classes de Richer en trois: les classes précoces (C0-C2) sont des étoiles de type C-H, les classes moyennes (C3-C6), des étoiles de type C-N, et les classes tardives (C7, C8), des étoiles de type C-J. Cette remarque, on l'a déjà faite dans le cas des étoiles C-H et C-R qui sont des étoiles chaudes avec un fort rapport CaII/CN. Alors que, dans le cas des étoiles C-J, l'analyse de la section 7.1 nous avait montré une moyenne du rapport CaII/CN plus petite que pour les étoiles C-N, mais non significativement plus petite. Est-ce un mauvais tour des statistiques des petits nombres (trois étoiles C-J)? En fait, 7 étoiles sur 7, classées par Richer comme C7 et plus tardives, sont classées par Barnbaum et al. (1996) comme étoiles de type C-J! Il apparaît que les étoiles C-J ont vraiment un rapport CaII/CN plus petit mais ça ne doit pas être le seul critère - à cause du recoupement des incertitudes de CaII/CN avec la classe C-N - qui différencie ces étoiles.

L'équation gif et l'équation gif permettent de vérifier la température associée à chaque classe de Richer. Cela donne:

 

Richer est la classe de Richer entre 0 et 9.

La comparaison entre les valeurs ainsi calculées et celles adoptées par Richer dans son article (Richer, 1971) fait l'objet du tableau gif. Les températures citées par Richer sont bien différentes de celles déduites dans ce travail-ci. Celles de Richer proviennent de l'indice (I-L) et de la calibration en température par Johnson (1966). Richer avertit que ce système peut différer de la réalité par une constante additive. On constate des différences importantes, la température de Richer est en général plus petite mais pas par une constante. Pour les étoiles chaudes, elle est même plus grande. En guise de test, si l'on combinait toutes les étoiles C connues en une seule classe, elle serait environ de type C5 ou C5.5 (). Or, des mesures directes de température (par interférométrie) existent maintenant pour quelques dizaines d'étoiles C et donnent une valeur moyenne de (Van Belle et al., 1997), en accord avec la détermination de ce mémoire.

 

Classe de (Richer) (éq. gif)
Richer (K) (K) (K)
C0 4400 4200 +200
C1 3800 3950 -150
C2 3200 3700 -500
C3 2700 3450 -750
C4 2600 3250 -650
C5 2450 3000 -550
C6 2300 2750 -450
C7 2200 2500 -300
C8 2000 2300 -300
C9 1800 2050 -250
Table: Comparaison de la température des dix classes de Richer. Celles citées par Richer (1971) sont basées sur la photométrie dans les bandes I et L et les calibrations de Johnson 1966. L'autre méthode de calcul est décrite dans ce mémoire mais donne également des températures de couleur.

 

S'il est vrai que ce résultat ne remet pas en cause la classification spectrale faite par Richer - après tout, la mauvaise calibration en température de ses classes est sans effet sur la classification morphologique des spectres - d'autres observations viennent cependant la questionner.

En effet, il a été difficile de confirmer l'existence des classes tardives de Richer (C7, C8 et C9). Richer écrit: ``At C7, the spectra undergo a marked change from the previous class. Some of the continuum features have changed. In classes C3-C6 all features have remained relatively constant in strength, but at C7 the feature at 8462 Å has completely disappeared while the one at 8508 Å has greatly weakened relative to the ones at 8452 Å and 8474 Å\ .'' En réalité, les changements qu'il décrit sont subtils. Ils sont restés inaperçus lors des analyses du chapitre 6.

Comme je l'ai fait remarqué dans cette section, toutes les étoiles de type C7, C8 ou C9 de la classification de Richer sont classifiées comme étoiles C-J par Barnbaum et al. (1996). Ceci m'a permis de mettre à jour les changements dont parle Richer pour sa classe C7. J'ai comparé trois ensembles de spectres avec un très bon rapport S/B, deux ensembles d'étoiles C-N (donc de types C3-C6 de Richer) et un ensemble d'étoiles C-J (de types C7-C9). Pour chaque ensemble, j'ai choisi sept spectres (S/B75) que j'ai normalisés à l'aide d'une droite entre 8400 Å et 8700 Å, et dont j'ai ensuite fait la moyenne. Cela a fait ressortir des différences dans cet intervalle de longueurs d'onde entre l'ensemble des étoiles C-N et celui des étoiles C-J (voir figure gif). L'authenticité de ces différences a été vérifiée en montrant qu'aucune n'existait entre les deux ensembles d'étoiles C-N.

 
Figure: Différences dans le spectre des étoiles C-J. On a constitué trois ensembles de sept spectres de bon rapport S/B (S/B 75), le premier comme le deuxième sont constitués d'étoiles C-N, et le troisième, d'étoiles C-J. On normalise chaque spectre avec une droite inclinée dans l'intervalle 8400-8700 Å puis on fait la moyenne pour chaque ensemble. On constate aucune différence significative entre les deux groupes d'étoiles C-N, en haut. Cependant, des différences existent entre le groupe C-J et C-N, en bas.  

La même expérience dans différentes régions du spectre montre de semblables écarts entre le spectre des étoiles C-N et celui des étoiles C-J. Les différences sont subtiles, de l'ordre de 30% sur la largeur d'une raie (3 Å), souvent moins. Bref, les caractéristiques spectrales dont se sert la classification MK révisée entre 4000 Å\ et 7000 Å pour classifier les étoiles C-J semblent persister entre 7700 Å et 8700 Å.

Malheureusement, mes observations permettent difficilement de comparer entre elles les classes C7 à C9 de Richer. Des neuf étoiles C-J que j'aie observées lors des missions OMM3 et au Chili, seulement quatre ont été classifiées par Richer: il y a deux C7, une C9 et une Cem (hors classification). Les cinq inclassées et la Cem sont identiques aux deux étoiles C7 observées. Aucune n'offre l'apparence d'un spectre voilé, sans raies du triplet de calcium associée à la classe C8 décrite par Richer. Si cette classe existe vraiment, très peu d'étoiles doivent en faire partie.

J'ai pu mettre en évidence une seule contradiction. L'étoile UV Aur, classée C9 par Richer, possède toutes les caractéristiques d'une étoile C5, selon mes observations. Cependant, ma couverture spectrale n'atteint pas le doublet de potassium K I qui caractérise cette classe. Et il ne s'agit que d'une seule étoile.

Une différence persiste encore entre mes observations et celles de Richer. Il s'agit du rapport CaII/CN. Pour Richer, ce rapport passe de 5 à 3 à 1 pour les classes C4, C5 et C6, respectivement. Mes mesures moyennes donnent plutôt 1.7, 1.5 et 1.2 pour les mêmes classes. Les variations que j'observe sont bien moins grandes. Je ne peux expliquer cette différence que d'une seule façon: la résolution spectrale.

Richer a obtenu ses spectres sur plaque photographique de type I-N avec une résolution spectrale de 124 Å mm. Cette émulsion offre un pouvoir de résolution de 100 lignes/mm (Eastman Kodak Company, p.13d), c'est-à-dire une résolution spectrale de 1.24 Å, au mieux. Richer a estimé les rapports d'intensité directement sur les images 2-D sans tenter de les transformer au préalable en spectres 1-D (technique de photométrie à micro balayage). Quant à mes observations, leur résolution spectrale est de 1.2 à 1.4 Å. À première vue, les résolutions sont donc les mêmes.

Mais la simple comparaison des spectres d'une étoile C-N typique obtenus à deux résolutions spectrales différentes montre comment le rapport CaII[8662Å]/CN[8648Å] est sensible à la résolution spectrale. Le rapport CaII/CN du spectre de V460 Cyg obtenu à une résolution de 1.4 Å (OMM3) passe de 1.4 à 2.3 pour la même étoile observée à une résolution de 4 Å(OMM1). À cette résolution, la raie à 8648 Å se confond avec les raies voisines à 8650 Å et 8655 Å. Le résultat est une raie de CN qui semble moins forte à basse résolution (figure gif). La théorie de la résolution spectrale est appuyée par Richer lui-même qui affirme ne pas pouvoir discerner la raie de CaII à 8498 Å au milieu de l'absorption CN. Or, dans mes spectres, cette raie se distingue assez bien, preuve que la résolution spectrale de Richer doit être moins bonne que 1.24 Å.

 
Figure: Influence de la résolution spectrale sur le rapport CaII/CN pour V460 Cyg, une étoile de type C-N. Le rapport CaII[8662Å]/CN[8648Å] passe de 1.4 pour le spectre obtenu lors de OMM3 (résolution=1.4 Å), à 2.3, pour celui obtenu lors de OMM1 (résolution=4 Å). À basse résolution, les raies de CN à 8650 Å et 8655 Å se fondent à celle de référence à 8648 Å.  


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Loic Albert
Wed May 12 16:45:53 EDT 1999