Modélisation de l'irradiance solaire




L'irradiance solaire totale

Un modèle basé sur la fragmentation

Une reconstruction de la TSI depuis 1874

MOCASSIM: un protocole de reconstruction de l'irradiance spectrale

Une reconstruction de l'irradiance spectrale depuis 1610

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L'irradiance solaire totale

L'irradiance solaire totale (conventionellement abréviée TSI, pour "Total Solar Irradiance"; aussi appelée "&ecaute;clairement") est la quantité d'énergie radiative incidente sur la haute atmosphère terrestre. Comme on peut le constater sur examen de la Figure 1 ci-dessous, la TSI varie sur une vaste gamme d'échelles temporelles, incluant en particulier une modulation en phase avec le
cycle solaire d'activité magnétique, sa moyenne annuelle passant de 1365.5 Watt par mètre carré au minimum d'activité, et grimpant à 1366.6 au maximum. De surcroit, des fluctuations de l'ordre de +/- 1 Watt par mètre carré sur des échelles de temps de l'ordre de la journée se superposent à cette longue variation. Il est remarquable que le soleil se retrouve légèrement plus brillant au maximum du cycle d'activité, soit au moment où la couverture des taches solaires (sombres!) est maximale. Ceci est du au fait qu'en phase maximale d'activité, des structures magnétiques plus brillantes que la photosphère sont également présentes, comme les facules et les éléments du réseau supergranulaire. Beaucoup plus petites que les taches mais beaucoup plus nombreuses, collectivement ces structure surcompensent légèrement le déficit de luminosité associé aux taches.


Figure 1: Variations temporelles de l'irradiance solaire totale, de 1978 au présent. La courbe en bleu clair correspond aux valeurs journalières, et le trait bleu foncé à une moyenne courante de largeur 81 jours. Les variations journalières marquées ne sont pas dues à des erreurs de mesures, mais représentent des variations véritables. Ces données sont produites et distribuées par le Physikalishes-Meteorologisches Observatorium de Davos (Suisse), à partir de plusieurs séries distinctes de mesures satellites. Les traits orange et rouges sont leurs équivalents, tels que produits par le modèle décrit plus loin, décalés vers le bas par 4 Watt par mètre carré pour fins de comparaison aux données.

Les observations ont démontré que les variations de la TSI sur les échelles temporelles allant de la journée à la décennie peuvent être expliquées par les variations de la couverture photosphériques de ces diverses structures magnétiques. Cependant, aux plus longues échelles temporelles il demeure possible que des processus internes, comme une modulation de l'efficacité du transport convectif de l'énergie, par le cycle d'activité, contribuent aux variations de la TSI.

Un modèle basé sur la fragmentation

Notre but est de produire un modèle physique des variations de la TSI. Plutôt que d'utiliser des corrélations empiriques entre diverses classes de structures photosphériques, nous utilisons un modèle physique simplifié pour faire le lien évolutif entre ces structures. Nous débutons par le fait, bien observé, que les taches solaires se fragmentent et se désaggrègent au cours de leur évolution, et ce faisant libèrent un grand nombre de plus petites structures magnétiques dans la photosphère. Nous modélisons ce processus à l'aide d'un algorithme de fragmentation stochastique, auquel s'ajoute un processus d'érosion des taches (également observé). À partir des données observationelles de l'émergence des taches et régions actives, nous injectons les taches solaires sur une représentation simulée de la surface du soleil. L'application de nos algorithmes de fragmentation et érosion produit ainsi une distribution, évoluant dans le temps, des tailles des structures magnétiques photosphériques. Il s'agit ensuite de convoluer cette distribution avec une courbe semi-empirique du contraste en luminosité de ces structures en fonction de leur taille, pour produire une séquence temporelle de la TSI. Nous devons également introduire (de manière encore une fois stochastique) les émergences se produisant sur la face cachée du soleil.

Ce modèle exige la spécification d'un certain nombre de paramètres ajustables, que nous évaluons en minimisant l'écart entre les séquences temporelles de la TSI et de la couverture surfacique des taches dans l'intervalle 1978-2007. Il s'agit donc ici d'un problème d'optimization multimodal, multi-objectif et partiellement stochastique. Nous le traitons à l'aide de l'algorithme génétique PIKAIA. Les traits orange/rouge sur la Figure 1 sont un exemple d'une séquence temporelle de la TSI produite par le modèle. Elle est remarquablement semblable aux observations dans son comportement général, mais pas dans le détail en raison de l'aspect stochastique de la fragmentation et de notre traitement des émergences sur la face cachée.

Une reconstruction de la TSI depuis 1874

Une fois les paramètres du modèle calibrés sur l'intervalle 1978-2007, il peut être utilisé pour reconstruire la TSI ausi loin dans le passé que des observations de la couverture surfacique des taches est disponible, soit 1874 pour les données du Royal Greenwich Observatory. Le résultat de cet exercice est porté en graphique sur la Figure 2 ci-dessous. Comme on pouvait s'y attendre, les variations de la TSI suivent d'assez près celles des taux d'émergence, elles-mêmes fortement corrélées aux variations de l'amplitude du cycle solaire mesurées en termes du nombre de taches solaires.


Figure 2: Variation temporelle de l'irradiance solaire totale de 1874 au présent, telles que reconstruite par notre modèle physique. Le trait orange correspond aux valeurs journalières pour une solution représentative, le trait rouge à la moyenne +/- un sigma de 1000 reconstructions utilisant les paramètres du modèle optimal. Cette reconstruction suppose une émissivité de la photosphère non-magnétisée qui est constante dans le temps.

MOCASSIM: un protocole de reconstruction de l'irradiance spectrale

Le protocole de reconstruction MOCASSIM (MOnte CArlo Solar Spectral Irradiance Model) est une version à quatre composantes du modèle de l'IST décrit précédemment, ciblé à l'ultraviolet rapproché et moyen (150-400nm). MOCASSIM part du spectre ATLAS-3 en période de très faible activité, et utilise un rapport de deux spectres synthétiques a 5250 et 5750K pour calculer le contraste monochromatique des taches. Celle des facules est calculée à l'aide d'une inversion basée sur la formule du corps noir, et la contribution du réseau est ajoutée sous la forme d'une émissivité stochastique. Les reconstructions sont poussées jusqu'à 1610, par l'utilisation d'une simulation Monte Carlo des émergences utilisant la séquence du nombre de taches en entrée. Une modulation de l'émissivité de la photosphère non-magnétisée est également incluse, basée sur la reconstruction de l'IST de Tapping et al. (2007).

Un algorithme génétique est utilisé pour ajuster les divers paramètres du modèle aux séquences temporelles d'irradiance spectrale produites par UARS/SOLSTICE. Les éléments stochatiques du modèle, notamment l'algorithme d'émergence sur la face cachée rendent impossible une reproduction précise de la variabilité spectrale observée sur une base journalière. Cependant, comme le démontre la Figure 3 ci-dessous, MOCASSIM reproduit très bien les variations se développant sur des échelles temporelles supérieures à un mois, ainsi que les distributions des fluctuations par rapport aux moyennes mensuelles.


Figure 3: Gauche: Séquence temporelle de l'irradiance spectrale à 210 nm, telle que reconstruite par MOCASSIM (en vert) sur l'intervalle 1992-2001 couvert par les observations de UARS/SOLSTICE (en rouge). La figure de droite montre les distributions correspondantes des résidus photométriques par rapport à une moyenne courante de 81 jours. On constate ainsi que la reconstruction capture bien les variations sur des échelles temporelles allant du mensuel au décadal, ainsi que le patron statistique des variations à plus court terme.

Une reconstruction de l'irradiance spectrale depuis 1610

Dans sa forme actuelle, MOCASSIM permet la reconstruction de spectres et de séquences temporelles d'irradiance spectrale dans le domaine 150 à 400 nm, et remontant jusqu'en 1610, soit le début des observations téléscopiques des taches solaires. La Figure 4 montre deux exemples de reconstructions à 180 et 370 nm. On note que durant le Minimum de Maunder (1645-1705), l'émissivité demeure nettement au dessus de la contribution de la photosphère (trait vert), même si peu ou pas d'éemergences de taches se produisent. Ceci est du au réseau, donc la contribution chute cependant rapidement à plus hautes longueurs d'onde, et devient imperceptible à 370 nm.


Figure 4: Deux reconstruction de l'irradiance spectrale dans l'ultraviolet, débutant en 1610. Sur chaque graphique, le trait vert montre la variation de la contribution de la photosphère non-magnétisée, calculée à partir de la reconstruction de l'IST de Tapping et al. (2007). Le trait noir représente la moyenne de 10 reconstructions, chacune utilisant une réalisation stochastique distincte des émergences de taches. Les traits rouge et bleu indiquent les valeurs max/min associées à cet ensemble de 10 reconstructions statistiquement indépendantes.


Qui travaille là-dessus dans le groupe: Paul Charbonneau, Ashley Crouch, Cassandra Bolduc.


Publications récentes du groupe sur ce sujet:


   Dernières modifications le 24 octobre 2012 par

paulchar@astro.umontreal.ca.

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