Avalanches et éruptions solaires




Éruptions solaires et criticalité auto-régulée

Développement de nouveaux modèles SOC

Prédiction des éruptions solaires par assimilation de données dans les modèles d'avalanche



Éruptions solaires et criticalité auto-régulée

Plusieurs systèmes physiques naturels ont la propriété d'accumuler l'énergie de manière lente et graduelle, mais la libèrent par la suite de manière violente et intermittence, et ce sur une vaste gamme d'échelles spatiales et temporelles. On songe, par exemple, aux avalanches, glissement de terrain, et tremblements de terre. Ces phénomènes sont maintenant étudiés dans le cadre de la théorie de la criticalité auto-régulée ("self-organized criticality", ou SOC en bref). L'idée centrale est que tout système forcé extérieurement et sujet à une instabilité à seuil peut, sous certaines conditions, évoluer vers un état SOC où la libération de l'énergie se produit sous la forme d'avalanches balayant le système. Ceci permet, entre autre, de reproduire les distributions en loi de puissance caractérisant les phénomènes naturels susmentionnés. Au début des années 1990, les travaux novateurs de E.T. Lu et collaborateurs ont introduits ces idées en physique solaire sous la forme d'un modèle des éruptions solaires (voir Figure 1) démontrant la plausibilité de l'état SOC (voir l'article de revue par Charbonneau et al. cité en bibliographie).


Figure 1: Une grande éruption solaire, capturée dans l'ultraviolet lointain par SOHO/EIT. L'analyse et la modélisation de telles observations démontrent que la libération d'énergie a lieu sur une très vaste gamme d'échelles, couvrant plus de 8 ordres de grandeur en énergie, allant de quelques 10E33 erg comme dans le cas de cette éruption, et tombant jusqu'à 1E25, soit la limite de détection des instruments actuels. Cliquez sur l'image pour une courte animation d'une vue en gros plan de cette éruption baptisée "Bastille Day Flare" (mpeg, 259KB).

Développement de nouveaux modèles SOC

Plusieurs des modèles SOC des éruptions solaires développés à date souffrent d'un problème substantiel, soit la difficulté à faire le pont, physiquement et quantitativement, entre leurs règles d'évolution discrètes (de type automate cellulaire), et la reconnexion magnétique, le mécanisme physique sous-jacent à la libération de l'énergie durant les éruptions. S'inspirant d'un modèle physique du chauffage coronal proposé il y a une vingtaine d'années par E.N. Parker, nous développons une nouvelle génération de modèles SOC des éruptions solaires, où l'élément structurel de base est la ligne de champ magnétique, et où le critère d'instabilité est basé sur l'angle sous-tendu par les lignes de champs s'entrecroisant en réponse au forcage. De plus, la reconfiguration se produisant lorsque l'instabilité est déclenchée implique explicitement un changement dans la connectivité de ces lignes, en analogie directe avec le comportement attendu de la reconnexion magnétique. Le forcage consiste à successivement déplacer latéralement et de manière aléatoire les noeuds définissant une ligne de champ. La Figure 2 présente un exemple d'une telle simulation SOC (sur un réseau de très petite taille), et de son évolution temporelle.


Figure 2: Un automate cellulaire basé sur une série de "lignes de champ magnétique" parallèles, pouvant "plier" à un nombre fini de noeuds distribué uniformément le long de chaque ligne, et se réajustant localement lorsque deux lignes se croisent à un même noeud en sous-tendant un angle supérieur à un seuil prédéterminé. Cliquer sur l'image pour voir une animation de cet automate évoluant en réponse à la déformation aléatoire des lignes (mpeg, 712KB).

Les résultats obtenus à date ont démontré qu'un tel système atteint un état SOC caractérisé par le déclenchement d'avalanches de "reconnexion", dont les tailles dont distribuées en loi de puissance, comme dans le cas des automates cellulaires classiques. La Figure 3 ci-dessous montre un exemple d'une séquence temporelle d'énergie emmagasinée dans le réseau (partie du haut), et libérée par les avalanches (au bas).


Figure 3: Séquence temporelle de l'énergie emmagasinée dans le réseau (partie du haut) et libérée par les avalanches (partie du bas) dans une simulation utilisant l'automate cellulaire de la Figure 2. On y note l'intermittence temporelle ainsi que la vaste gamme d'amplitude des avalanches se propageant dans le système, deux caractéristiques classiques de systèmes dans un état SOC. Pour plus de détail, voir l'article par Morales and Charbonneau cité plus bas.

Nous étudions présentement jusqu'à quel point les quantités qui peuvent être extraites du modèle (comme la pente logarithmique de la loi de puissance des tailles des avalanches) dépends de la taille du réseau, et des valeurs choisies pour différents paramètres du modèle, comme le seuil d'instabilité et les propriétés du forcage, et comment ces quantités se comparent aux valeurs déterminées observationnellement. Nous avons commencé également à développer une version tridimensionelle du modèle.

Prédiction des éruptions solaires par assimilation de données dans les modèles d'avalanche

Nous utilisons la méthode d'assimilation de données dite 4D-VAR en conjonction avec une version 2D du modèle d'avalanche de Lu & Hamilton (1991, ApJL, 380, L89,), reformulé en terme d'une variable continue afin de permettre la dérivation de l'équation adjointe requise par 4D-VAR. La Figure 4 illustre schématiquement le fonctionnement de 4D-VAR. Un modèle physique --ici le modèle d'avalanche-- avance une variable du système d'un temps initial 0 à T (trait rouge), et le résultat est comparé aux observations à T. Connaissant maintenant l'erreur entre la prédiction et l'observation, la condition initiale est réajustée par intégration inverse des équations adjointes, et utilisée pour produire une prédiction améliorée au temps T (trait vert). Cette procédure est itérée jusqu'à ce que la prédiction se retrouve à l'intérieur des barres d'erreur observationnelles. Dans notre cas, ce sont les valeurs de la variable de réseau sur chaque noeud qui sont réajustée, ce qui implique que nous devons solutionner simultanément un grand nombre (d'ordre 1000 et plus) de ces problèmes d'optimisation, soit un par noeud du réseau. La mesure d'erreur d'erreur utilisée et la différence quadratique moyenne entre les séquence temporelles d'énergie libérée sur l'ensemble de l'intervalle temporel d'assimilation. La principale difficulté provient du fait que le modèle d'avalanche comprend une composante stochastique, soit le mécanisme de forcage qui jour le double rôle d'injection de l'énergie dans le système, et déclencheur des avalanches (pour plus de détails, voir l'article par Bélanger et al. listé en bibliographie, et les références s'y trouvant).


Figure 4: Représentation schématique de deux itérations du processus 4D-VAR classique. Dans le contexte de l'assimilation de donnée dans un modèle d'avalanche, la variable S correspond à la valeur de la variable de réseau sur un noeud, et la mesure d'erreur est définie en terme de la différence quadratique moyenne entre des séquences temporelles couvrant tout l'intervalle d'assimilation, plutôt que la valeur de la variable au temps T (voir texte).

La Figure 5 illustre les résultats d'une expérience de validation de la procédure 4D-VAR, un préalable essentiel à la prédiction véritable. La partie du haut est un exemple de séquence temporelle synthétique, produite elle-même par le modèle d'avalanche, et que 4D-VAR cherche à assimiler. La partie centrale montre une séquence temporelle produite par le même modèle, utilisant la même condition initiale mais une réalisation différente de nombres aléatoires forcant le réseau. Ces deux séquences temporelles se ressemblent peu. La partie du bas montre le résultat de l'ajustement de la condition initiale par la méthode 4D-VAR. La reproduction de la séquence observationnelle est grandement améliorée, et démontre qu'il est possible de construire une condition initiale "optimale" pour la prédiction, dans le sens qu'elle est compatible avec le comportement du système dans le passé recent. Nous testons présentement la performance prédictive de conditions initiales obtenues de cette facon. L'étape suivante est évidemment d'utiliser le modèle pour assimiler les données solaires véritables, et produire des prédictions des éruptions solaires.


Figure 5: Validation de la procédure de prédiction utilisant 4DVAR et le modèle d'avalanche. Le partie du haut montre une séquence temporelle synthétique produite par le modèle. Cette du milieu une première "prédiction" obtenue en avancant le modèle d'avalanche dans le temps, et celui du bas la séquence temporelle produite par 4D-VAR, ici après seulement 5 itérations.


Qui travaille là-dessus dans le groupe: Laura Morales, Éric Bélanger, Paul Charbonneau, Alain Vincent, Richard Joseph.

Ce travail est spécifiquement subventionné par le Programme de Recherche en Équipe du FQRNT.


Publications récentes du groupe sur ce sujet:


   Dernières modifications le 11 octobre 2007 par

paulchar@astro.umontreal.ca.

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