Au lieu de normaliser les spectres en ajustant une droite ou une fonction bas d'ordre, pourquoi ne pas utiliser des fonctions d'ordres assez élevés pour se limiter aux informations spectrales de hautes fréquences, c'est-à-dire des structures de la taille des raies d'absorption?
J'ai donc normalisé tous les spectres à un en ajustant une fonction spline3 d'ordre 40. Puis, j'ai essayé différentes méthodes pour mettre en évidence les raies qui, pour l'ensemble des spectres, changent avec la plus grande amplitude.
La première analyse qui s'impose est celle de la variance. On
soustrait du spectre de chaque étoile le spectre moyen de
l'ensemble des étoiles puis on additionne le carré des écarts, et on divise
par le nombre d'étoiles (figure a):
Figure: Analyse des variations d'intensité des raies spectrales
entre 35 étoiles C. a) est le spectre de variance brute avec résidus de
normalisation, b) une fonction spline3 d'ordre 40 est soustraite à la
variance, c) est b) mis au carré pour accentuer les pics intenses, et d)
est une analyse différente, c'est le rapport moyen entre les 35 spectres
et le spectre moyen.
On note la présence de résidus de normalisation. C'est pourquoi on
ajuste une fonction spline3 d'ordre 40 pour enlever cette signature
(figure b). Alternativement, on élève la variance
au carré pour accentuer les variations et, ensuite seulement, on
soustrait une fonction spline3 d'ordre 40
(figure
c). Les trois spectres résultants se
ressemblent et aucun n'affiche de pic à 8498 Å , 8542 Å et
8662 Å correspondant au triplet de Ca II. Alors que, selon Richer,
les raies de calcium adoptent une large fourchette d'intensités
dans sa collection de spectres d'étoiles carbonées.
On tente une deuxième analyse de variance. Cette fois, on prend le
rapport entre chaque spectre et la moyenne de l'ensemble des
spectres, au lieu d'en faire la soustraction. En moyennant ensuite ces
rapports, on trouve les déviations relatives par rapport à 1
(figure d). Les déviations par rapport à la moyenne
sont de 3.7 % . Alternativement
(figure
) , on soustrait une fonction constante
(polynôme de Legendre d'ordre 1) au rapport entre les spectres et la moyenne
(figure
b) pour obtenir les déviations par rapport à
zéro (figure
c), que l'on additionne ensuite en
quadrature. C'est un calcul de variance (figure
d). Pour
enlever les résidus de la normalisation, on soustrait une fonction
spline3 d'ordre 20 (figure
e). On peut accentuer les
pics en élevant ce spectre au carré (figure
f). Cette
analyse a l'avantage de faire ressortir le triplet de Ca II. Le
tableau
dresse la liste des pics les plus prononcés.
Figure: Analyse adoptée pour mettre en
évidence les raies les plus variables dans 35 spectres d'étoiles C. a)
est la moyenne des 35 spectres normalisés avec une fonction spline3
d'ordre 40. b) est le rapport d'un spectre typique à la moyenne, à
travers lequel on ajuste une fonction constante. c) est le même spectre
duquel on a soustrait la constante afin de faire l'étude de variance. d)
est le spectre de variance brute des 90 spectres à travers lequel on
ajuste une fonction spline3 d'ordre 20 pour éliminer les résidus de
normalisation. e) est le spectre de variance résultant, et f) est ce
spectre élevé au carré pour accentuer les pics importants.
En reportant la position des pics les plus importants dans un spectre
d'étoile C, on obtient les troisième et sixième colonnes du
tableau . On constate que la première méthode d'analyse de
variance ne donne que
de fausses détections. En effet, elle ne détecte que des raies
d'``émission''. Mais celles-ci ne sont pas réelles, elles ne sont que des
fenêtres où l'absorption moléculaire est moindre. Seule la résolution spectrale peut
avoir une influence sur la variabilité de ces raies d'``émission''. Par
contre, la seconde méthode d'analyse donne des résultats plus
intéressants, du moins en apparence. Oui, il y a encore de fausses détections, mais il y a
aussi détection de réelles raies d'absorption. Il se trouve que
l'absorption par l'eau atmosphérique soit la source de plusieurs raies
variables dans le spectre des étoiles C, dont la plus importante à
8228 Å . Aussi, tel que prévu, le triplet de calcium semble variable
car ses deux raies les plus importantes varient. Il est intéressant de
voir que plusieurs raies de CN semblent également variables.
Comment affirmer avec certitude la variabilité des raies trouvées par cette analyse? En fait, après avoir vérifié la position des pics de variabilité, on constate que ces pics ne concordent pas avec les centre des raies d'absorption mais plutôt avec le côté des raies, là où la pente est la plus forte. Ceci s'explique. Il suffit que les spectres soient légèrement décalés en longueur d'onde pour que des variation importantes soient trouvées pour les raies fortes et abruptes. Les détections de variabilités sont donc fausses.
Par ailleurs, il faut être conscient des limites de la présente technique. On s'aperçoit que les diverses manipulations effectuées sur les spectres expliquent à elles seules les pics de variabilité. On normalise, on ajuste un polynôme puis un autre, le citron est vraiment pressé... Finalement, la variabilité des raies n'est pas prouvée hors de tout doute raisonnable.