Supergranulation et Émergence d'échelles

Le transport de l'énergie dans le 30% extérieur en rayon du soleil
s'effectue par convection thermique. Le régime physique caractérisant
l'intérieur solaire est tel qu'on s'attend à (et on observe)
ce que cette convection soit vigoureusement turbulente.
Les observations de la photosphère solaire révèle
la présence de cette turbulence convective sous la forme de
structures ayant des échelles spatiales relativement bien
définies. La granulation (Figure 1A) est la seule de ces
échelles qui soit indubitablement convective, puiqu'on y
observe une forte corrélation spatiotemporelle entre les vitesses ascendantes
(descendantes) et les perturbations positives (négatives) en température.
La supergranulation (voir Figure 1B) est visible sur des échelles
de 20 à 30 fois plus grande, et on détecte sa signature
principalement dans le champ des vitesses horizontales, sans
la corrélation avec la température caractérisant la granulation.
Néanmoins, on suppose généralement qu'il s'agit également d'une
échelle convective d'origine plus profonde, sans cependant pouvoir expliquer
pourquoi seulement cette échelle, et aucune autre,
réussit à se manifester en surface.
Figure 1A: Image dans la bande spectrale G
de la photosphère solaire, couvrant ici 15000 par 15000
kilomètres approximativement, et ou la granulation
est bien visible. Les régions plus brillantes indiquent
la présence de fluide chaud ascendant, et les régions
plus sombre celle de fluide froid descendant.
Les cellules granulaires ont un diamètre typique de
1000 km, et un temps de vie de quelques heures.
Les petits points très brillants trahissent la
présence de petite structures fortement magnétisées.
Découpé d'une image produite par D. Shine,
Lockheed/Palo-Alto.
Cliquer sur l'image pour voir une animation
produite à partir de données recuillies
au the Swedish Vacuum
Solar Telescope (mpeg 480KB).
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Figure 1B:
Image Doppler du disque solaire, montrant la composante
de la vitesse dans la direction de la ligne de visée.
La rotation du solaire est déjàa soustraite, et la
signature des oscillations acoustiques éliminée par
moyennage temporel. Le patron résiduel de vitesse,
associé à la supergranulation, est prédominamment
horizontal, comme le révèle le fait qu'il soit
maximal près des bords du disque, et disparaisse en son centre.
Image par D. Hathaway à partir de données SOHO/MDI.
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À l'aide de simulations de type Monte Carlo, nous explorons
la possibilité que la supergranulation soit un phénomène
émergent, apparaissant suite à l'agrégation
de petites structures magnétiques de déplacant quasi-aléatoirement
à la surface du soleil sous l'influence advective de la granulation.
Nous suggérons que les structures magnétiques de plus
grande taille ainsi produites agissent comme déclencheur
des écoulements descendants à l'échelle supergranulaire.
Les simulations sont effectuées sur un plan 2D représentant
une portion de la photosphère solaire, et ont beaucoup
en commun avec le processus dit d'aggrégation diffusive
(diffusion-limited aggregation),
bien étudié en théorie de la formation de structures cohérentes.
Nos simulations (voir Figure 2) indiquent que pour des valeurs
raisonnables des paramètres du modèle, des distributions d'agrégats
comparables aux observations solaires sont produites,
sur des échelles de longueur
comparables à la supergranulation.
Figure 2A: Distribution spatiale typique d'aggrégats
dans une de nos simulations Monte Carlo. Le bleu et le rouge codent
la polarité magnétique.
Seuls les aggrégats contenant
plus de 10 éléments magnétiques sont inclus.
Cliquer sur l'image pour une animation
(mpeg, 19MB).
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Figure 2B:
Distributions de concentrations de flux magnétiques de
polarités positive/négative (rouge/vert) sur une portion
de la photosphère solaire éloignée de toute région d'activité
ou structure magnétique à plus grande échelle.
Données magnétographiques provenant de SOHO/MDI.
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Nous examinons présentement jusqu'à quel point le même
processus d'aggrégation, opérant à partir des produits
de la désintégration des tache solaires, peut produire
des structures magnétiques ayant des caractéristiques ressemblant
à celles des plages et facules, et comment leurs propriétés dépendent
du taux d'injection des petits éléments magnétiques. On aimerait en
venir à coupler de telles simulations à des modèles
de l'irradiance solaire, afin de mieux comprendre
la contribution du réseau magnétique supergranulaire à celle-ci,
et en bâtir un modèle quantitatif pouvant être utilisé
pour remonter dans le temps jusqu'au Minimum de Maunder.
Qui travaille là-dessus dans le groupe:
Paul Charbonneau,
Kim Thibault.
Publications récentes du groupe sur ce sujet:
- Thibault, K., Crouch, A., Charbonneau, P. 2006,
Solar supergranulation as a result of granular advective
interaction: a numerical simulation.
Canadian Undergraduate Physics Journal, 4, 7-10
- Crouch, A., Charbonneau, P., & Thibault, K. 2007,
Supergranulation as an emergent length scale,
The Astrophysical Journal, 662, 715-792
- Thibault, K., Charbonneau, P., & Crouch, A. 2011,
The buildup of a scale-free photospheric magnetic network,
The Astrophysical Journal, 757, id187